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qu’ici elle n’avait rien été… elle qui devait être tout… Donc ! là est l’ennemi durable ! Le peuple ? sa fiévreuse ivresse passée, retombe dans l’épuisement de sa misère, dans l’abjection d’où il est un moment sorti à la voix de ses agitateurs ; et au bout de quelques jours passés à hurler sur la place publique… la faim le ramenant forcément à son abrutissant labeur, Jacques Bonhomme reprend bon gré mal gré son joug séculaire. N’oubliez jamais cette vérité profonde et rassurante : « — Le peuple, toujours dominé par le besoin… n’a jamais le temps d’achever les révolutions qu’il tente ! »

l’abbé morlet, à part soi. — Oui, cette vérité est profonde !… Cette femme est sincère !… Cette patricienne a le génie de l’oppression !

victoria. — La bourgeoisie, au contraire, grâce à sa richesse, a toujours le temps de se rebeller… le loisir de nous poursuivre de sa haine… Elle ressent trop nos justes mépris, pour jamais cesser de nous abhorrer.

le comte de plouernel. — De ceci, mes amis, voulez-vous une preuve entre mille ?… Qui de vous ne connaît les violentes motions de l’avocat Desmarais, l’un des plus fougueux tribuns de l’Assemblée nationale ?

le vicomte de mirabeau. — Ce damné coquin rivalise d’audace avec le renégat qui fut mon frère… et l’on a surnommé le Desmarais le petit Mirabeau.

le chevalier. — Desmarais ? Mais, dis-moi donc, cher comte… est-ce que tu n’as pas autrefois fait donner des coups de bâton à une espèce de ce nom-là ?…

le comte de plouernel. — Précisément… Cet inviolable représentant du souverain… ainsi qu’à cette heure s’intitulent ces drôles… est mon homme aux coups de bâton !… Telle est la source de son exécration de ce qu’il appelle les « priviléges de la noblesse. »


victoria, à part. — Et mon frère Jean… est passionnément épris… m’a-t-on dit… de mademoiselle Desmarais !