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le vicomte de mirabeau. — Ah ! ce monstre me ferait, je crois, sang Dieu ! comprendre le fratricide !

victoria. — Votre maison ne sera pas la seule à gémir de tant de félonie, monsieur le vicomte. Est-ce que presque tous les députés de la noblesse, les plus hostiles à la révolution, n’ont pas été frappés d’un incroyable vertige ? est-ce que, voyant l’assemblée chaque jour grandir en force, en audace, malgré les vaines menaces du pouvoir royal, ils n’ont pas cru à la durée, à la légalité de cette assemblée ? n’ont-ils pas, enfin, entraînant le clergé par leur exemple, pris part, et ne prennent-ils pas part encore aux délibérations des rebelles, desquels ils deviennent ainsi les complices ?

le duc. — Les membres de la noblesse devaient-ils donc, madame la marquise, par cela même que la royauté témoignait de regrettables faiblesses, l’abandonner sans tenter même de la défendre au sein de l’assemblée ?

victoria. — Eh ! monsieur le duc, est-ce que les membres de la noblesse et du clergé, fidèles au trône, ne sont pas en minorité ? est-ce que, d’ailleurs, leur présence parmi les factieux n’autorise pas les scrupules… soyons francs… les lâchetés du roi ? car maintenant il peut répondre avec une apparence de raison : — « Comment dissoudre par la force une assemblée qui renferme grand nombre de mes fidèles et dévoués serviteurs ? »

le comte de plouernel. — Il n’est que trop vrai. Telle a été la réponse faite dernièrement encore par Sa Majesté à la reine, lorsqu’elle a si péniblement obtenu le renvoi de ce fesse-matthieu de Necker et la nomination du ministère énergique choisi par M. de Broglie. La haine du maréchal contre les révolutionnaires et les avocassiers est bien connue… Croyez-moi, chère marquise, ce ministère sauvera la monarchie.

victoria. — Dieu le veuille ! mais jusqu’ici, malgré son bon vouloir, ce ministère n’a commis que des fautes… Il devait prendre secrètement ses mesures, concentrer des forces imposantes sans éveiller