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— Je hais l’Angleterre : son esprit de révolte souffle à cette heure sur la France, sur le monde. Je hais l’Angleterre : elle a fait tomber sur l’échafaud la tête de son roi… Je hais l’Angleterre, infectée des principes protestants et républicains. Je hais l’Angleterre : elle a laissé s’éteindre dans l’exil les nobles Stuarts, ses princes légitimes et catholiques, et s’est donnée honteusement à la maison de Hanovre, hérétique et usurpatrice. Je hais l’Angleterre : elle n’a pas outrageusement chassé de son sol un traître, un renégat… Philippe d’Orléans… lorsque dernièrement il est allé en ce pays conspirer contre son parent, son maître et son roi. Oui, pour ces causes, je hais l’Angleterre ; ses principes, ses mœurs, ses usages… et cependant, afin de répondre à la courtoisie de M. le comte de Plouernel, notre hôte, et à la vôtre, messeigneurs les prélats… messieurs les gentilshommes, je porterai du cœur et des lèvres un toast à l’Église, à la monarchie, à la noblesse… et à la prochaine extermination des révolutionnaires de tous pays, de toutes conditions, depuis le prince de la famille royale doublement félon, jusqu’à ces misérables plébéiens, que leur hébétement et leur férocité ne distinguent pas des bêtes sauvages ! Donc, à l’Église, au roi, à la noblesse et à l’extermination des révolutionnaires !

Victoria, ce disant, trempe ses lèvres dans le vin dont est rempli son verre, tandis que tous les convives de M. de Plouernel, transportés des paroles de la jeune femme, répètent avec entraînement en choquant leurs verres : — À l’Église ! au roi ! à la noblesse ! à l’extermination des révolutionnaires !

Les convives se rassoient, le souper continue.


l’abbé morlet, à part soi. — Ah ! si la marquise était sincère… quel puissant auxiliaire pour notre cause !!… Quel effet soudain et magique l’énergie de ses paroles et de son accent a produit sur ces gentilshommes écervelés ou frivoles, sur ces prélats imbéciles qui ne savent pas même couvrir leurs vices de leur robe sacrée !… Ah ! si cette femme était sincère, de quel appui elle nous serait !… elle a