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une heure assez avancée de la nuit, un enfant épuisé de fatigue tombait au seuil d’une maison de la rue Saint-François, au Marais.

— Rue Saint-François, au Marais ?… Un coquin de Juif… un fesse-matthieu d’usurier, demeure dans cette rue ?

— Le Juif Samuel…

— Vous le connaissez, mon révérend ?

— C’est à la porte de sa maison que ledit enfant est tombé de fatigue, pleurant et gémissant. Le Juif, apitoyé, donne asile au garçonnet qui, dit-il, s’est égaré… Puis, accablé de lassitude et de sommeil, l’enfant s’endort sur le banc d’une chambre où s’entretenaient le Juif et sa femme.

— L’abbé, vous m’avez promis une leçon…

— Elle viendra… écoutez encore… L’enfant simulait un profond sommeil ; mais, l’esprit et l’oreille au guet, il ne perdait pas une parole de la conversation du Juif et de sa femme…

— Le petit drôle me paraît dressé jeune à un honnête métier ?

— Ah ! comte, cet enfant est un prodige d’intelligence… un miracle de finesse et de pénétration !…

— Vertubleu ! mon révérend, votre voix chevrote, votre nez rougit, votre regard s’attendrit et votre œil se mouille… Cet enfant d’une intelligence si précoce… ce prodige, ne serait-il point par hasard le petit Rodin, votre fillot ?

— C’est lui-même…

— Honneur à vous, l’abbé… ainsi qu’à votre commère… Vous faites… c’est le mot… des prodiges !

— Vous me flattez… Toujours est-il que le garçonnet, feignant de dormir, ne perdait pas un mot de l’entretien du Juif et de sa femme… et grâce à une fausse alerte, adroitement donnée au dehors par moi et par l’un de nos pères, mon petit fillot, durant son sommeil simulé, a surpris deux secrets d’une importance capitale pour le salut de la religion et de la monarchie.

— L’abbé… vous vous moquez en voulant me donner à croire