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— Éperdûment… follement amoureux.

— Follement est le mot… et bientôt la belle Vénitienne, partageant votre passion, vous a octroyé le don d’amoureuse merci, après vous avoir préalablement subtilisé les secrets de votre parti et…

— Vous vous trompez, mon révérend.

— En quoi me trompé-je ?

— Foi de gentilhomme, la marquise m’aime aussi passionnément que je l’aime… mais elle a mis un prix glorieux à ses bontés et il me faudra les conquérir.

— Et quel est, d’aventure… ce glorieux prix auquel madame la marquise met ses bontés ?…

— L’anéantissement de la révolution… le raffermissement de la royauté ébranlée… le maintien des privilèges séculaires de la noblesse et du clergé… l’extermination de leurs ennemis… À ce prix, l’abbé… à ce prix seulement, mon amour aura sa récompense, sa plus douce récompense…

— Comte, — dit le jésuite après un moment de silence, — quel âge croyez-vous avoir ?

— Parbleu !… j’ai trente ans bientôt.

— Erreur…

— Comment, l’abbé ?

— Vous avez vingt ans… Que dis-je !… c’est à peine si vous avez seize ans… âge d’innocence et de crédulité naïve.

— Que signifie cette raillerie ?

— Vous êtes aveuglé, abusé, joué, berné, comme le serait le plus candide des jouvenceaux,

— Moi ?…

— Vous… comte.

— Et de qui suis-je la dupe et le jouet… je vous prie ?

— De cette belle marquise si forcenée contre les révolutionnaires.

— L’abbé… que me contez-vous là… Êtes-vous fou ?

— Ah ! les femmes… les femmes !!… Et vous vous croyez un