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la compagnie du drapeau, jusqu’à présent restée fidèle au roi. Enfin, au besoin, monsieur le maréchal, vous me ferez appuyer par un régiment allemand, qui occupera les dehors et la cour de la caserne.

— Enfin, qu’a résolu le roi ?

— Ce prince bénin, après longue réflexion, me répondit d’un air confit que, s’il s’agissait de fusiller une demi-douzaine d’insubordonnés, il n’y verrait pas de grands inconvénients, mais qu’il n’entendait point que l’on décimât son régiment des gardes.

— Toujours l’indécision… la mollesse… les demi-mesures… Ah ! lâche et malheureux prince… que te sert-il donc de toujours contempler, dans tes rêveries couardes et sinistres, le portrait de Charles Ier d’Angleterre… décapité par la République !… De sorte… que malgré vos instances… le roi…

— A maintenu ses défenses, insensible aux observations du maréchal de Broglie, qui se rangeait de mon bord. Aussi, voyant la stupide obstination de Sa Majesté, je lui ai respectueusement tiré ma révérence, lui déclarant que je ne pouvais conserver davantage le commandement de mon régiment, puisque l’on me refusait le moyen de faire respecter le pouvoir royal et mon autorité militaire. J’ajoutai que sans un exemple impitoyable dont les mutins seraient terrifiés, les gardes-françaises deviendraient les plus dangereux auxiliaires de la révolution… Le roi me tourna le dos d’un air bourru… en remontant ses chausses… et s’en alla sans doute limailler à son atelier de serrurerie. Voilà, mon révérend, comment et pourquoi j’ai renoncé au commandement des gardes-françaises… Me blâmez-vous encore ?

— Non, certes… et cependant il est déplorable que vous, l’un des plus grands seigneurs de France, vous si bien pensant, vous si intelligent, si intrépide… vous restiez passif en ces temps où le concours de toutes nos forces vives suffirait à peine à sauver la religion, la monarchie, la noblesse ; ou du moins à retarder pour longtemps