Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Que se passe-t-il ?

— Il y a environ un quart d’heure, j’ai remarqué de loin deux hommes enveloppés de manteaux, ils ont débouché par la rue Saint-Gervais, et se sont arrêtés à l’angle du mur du jardin. Ils m’ont paru épier la maison. Je me suis aussitôt étendu sur l’un des bancs de pierre placés sous la voûte obscure de la porte cochère, et j’ai feint de dormir. Ils ont d’abord, sans m’apercevoir, passé deux ou trois fois près de moi, se promenant de long en large, tantôt examinant les dehors de la maison, tantôt causant à voix basse. Ils ont cependant fini par me remarquer, se disant tout haut : — « Voilà un ivrogne qui cuve son vin… » — Ils se sont de nouveau éloignés ; puis, revenant encore de mon côté, j’ai entendu ces paroles : — « Et maintenant, allons prévenir l’exempt de la maréchaussée qui nous… — Mais les dernières paroles m’ont échappé. Je les ai vus hâter le pas et disparaître à l’angle de la rue Saint-François.

— Depuis que vous avez observé leur présence, personne n’est entré céans ?

— Personne… sauf l’enfant que vous avez recueilli.

— Ces deux hommes doivent appartenir à la police, puisqu’ils ont annoncé le dessein d’aller chercher un exempt ; or, leurs soupçons sur ce qui se passe ici n’ont pu être éveillés par leurs remarques durant cette soirée ?

— Non, c’est impossible… Il n’y avait personne dans la rue tandis que nos frères sont entrés successivement.

— Il faut donc que les soupçons de ces deux hommes datent de plus loin qu’aujourd’hui ; or, en ce cas, au plus léger soupçon de l’un de ses agents, le lieutenant de police eût déjà fait fouiller cette maison.


— C’est juste.

— Il y a donc dans la conduite de ces hommes quelque chose d’inexplicable… Et s’ils ont deviné que vous ne dormiez pas et pouviez les entendre… je croirais qu’ils ont voulu vous donner une