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Rappelez-vous les faits écrits à chaque page de notre légende ; et surtout, voyez l’énergique renaissance du protestantisme ! La Saint-Barthélemy a décimé les huguenots, on les croit anéantis… Erreur ! Ceux qui survivent se redressent, plus formidables encore que par le passé, contre l’Église et la royauté. L’apostasie des princes de Béarn et de Condé, le meurtre des autres seigneurs protestants ont privé les protestants de leurs anciens chefs, qui défendaient leur foi religieuse, en respectant cependant la monarchie : les huguenots chercheront désormais des chefs de souche plébéienne. Ceux-ci n’accepteront plus cette funeste fiction, dont le grand Coligny fut dupe et victime, à savoir : que le roi étant supposé impeccable et toujours trompé par de funestes conseillers, l’on s’armait non contre lui, mais contre eux… Aussi les huguenots, après la Saint-Barthélemy, déclarent résolument la guerre à la royauté ; les idées républicaines font de nouveaux et rapides progrès parmi les insurgés. Ce ne sont plus des princes du sang, des seigneurs ; mais des bourgeois, des artisans, qui jettent un nouvel appel aux armes et dirigent, avec l’énergie du désespoir, le soulèvement des réformés. Ceux-ci, prenant une initiative aussi hardie qu’imprévue, à Nîmes, à Montauban, à Sancerre, chassent les garnisons royales, s’emparent du gouvernement des villes, les fortifient et y accumulent des munitions et des armes. La Haute-Guyenne, le Querci, le Rouergue, l’Albigeois, une partie du Dauphiné, se révoltent de nouveau, non plus seulement contre le roi Charles IX, mais contre la forme monarchique du gouvernement. La réforme déclare se constituer républicainement, à l’exemple des cantons suisses ; on comprend que tous ne sont pas nés pour le bon plaisir d’un seul. Le livre sublime de la Boétie a ouvert les yeux des moins clairvoyants ; et cette fois, après tant de siècles de lâche obéissance, tous les réformés républicains se liguent contre cet un, ce Charles IX, qui vient de baigner la France dans le sang. La déchéance de ce monstre est insuffisante, ses frères ou ses descendants l’égaleraient peut-être en férocité ; ce que veut la réforme, c’est l’abolition de la royauté. Est--