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comte, et il ajouta d’un ton interrogatif, — mon cher monsieur… Lebrenn… je crois ?

— Lebrenn, — répondit le marchand en s’inclinant, — Lebrenn, pour vous servir.

— Eh bien donc, j’ai eu le plaisir de voir hier la chère madame Lebrenn, et de lui parler d’un achat considérable de toile que je désire faire pour mon régiment.

— Bien heureux nous sommes, monsieur, que vous ayez honoré notre pauvre boutique de votre achalandage… Aussi, je viens savoir combien il vous faut de mètres de toile, et de quelle qualité vous la désirez. Voici des échantillons, — ajouta-t-il en fouillant d’un air affairé dans la poche de son paletot. — Si vous voulez choisir… je vous dirai le prix, monsieur… le juste prix… le plus juste prix…

— C’est inutile, cher monsieur Lebrenn ; voici en deux mots ce dont il est question : j’ai quatre cent cinquante dragons ; il me faut une remonte de quatre cent cinquante chemises de bonne qualité ; vous vous chargerez de plus de me les faire confectionner. Le prix que vous fixerez sera le mien ; car vous sentez, cher monsieur Lebrenn, que je vous sais la crème des honnêtes gens !

— Ah ! monsieur…

— La fleur des pois des marchands de toile.

— Monsieur… monsieur… vous me confusionnez ; je ne mérite point…

— Vous ne méritez pas ! Allons donc, cher monsieur Lebrenn, vous méritez beaucoup, au contraire…

— Je ne saurais, monsieur, disputer ceci avec vous. Pour quelle époque vous faudra-t-il cette fourniture ? — demanda le marchand en se levant. — Si c’est un travail d’urgence, la façon sera un peu plus chère.

— Faites-moi donc d’abord le plaisir de vous rasseoir, mon brave ! et ne partez pas ainsi comme un trait… Qui vous dit que je n’aie pas d’autres commandes à vous faire ?