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venirs, — attends donc ! ça me rappelle une chanson de notre vieil ami à nous autres pauvres gens…

— Une chanson de notre Béranger, n’est-ce pas, grand-père ! les Esclaves gaulois ?

— Juste, mon garçon. Ça commence… voyons… oui… c’est ça…

………………………….D’anciens Gaulois, pauvres esclaves
………………………….Un soir qu’autour d’eux tout dormait, etc., etc.

Et le refrain était :

Pauvres Gaulois, sous qui trembla le monde,
Enivrons-nous !

Ainsi, c’était de nos pères les Gaulois que parlait notre Béranger ? Hélas ! pauvres hommes ! comme tant d’autres sans doute, ils se grisaient pour s’étourdir sur leur infortune…

— Oui, grand-père ; mais ils ont bientôt reconnu que s’étourdir n’avance à rien, que briser ses fers vaut mieux.

— Pardieu !

— Aussi, les Gaulois, après des insurrections sans nombre…

— Dis donc, mon garçon, il paraît que le moyen n’est pas nouveau, mais c’est toujours le bon… Eh eh ! — ajouta le vieillard en frappant de son ongle le fourneau de sa pipe, — eh eh ! vois-tu, Georges, tôt ou tard, il faut en revenir à cette bonne vieille petite mère, l’insurrection… comme en 89… comme en 1830… comme demain peut-être…

— Pauvre grand-père ! — pensa Georges, — il ne croit pas si bien dire.

Et il reprit tout haut :

— Vous avez raison ; en fait de liberté, il faut que le peuple se serve lui-même, et mette les mains au plat, sinon il n’a que des miettes… il est volé… comme il l’a été il y a dix-huit ans.

— Et fièrement volé, mon pauvre enfant ! J’ai vu cela : j’y étais.

— Heureusement, vous savez le proverbe, grand-père… chat échaudé… suffit, la leçon aura été bonne… Mais pour revenir à nos