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— Eh bien… ce guerrier à casque, ce Brennus, était un Gaulois, un de nos pères, chef d’une armée qui, il y a deux mille et je ne sais combien d’années, est allé en Italie attaquer Rome, pour la châtier d’une trahison ; la ville s’est rendue aux Gaulois, moyennant une rançon en or ; mais Brennus, ne trouvant pas la rançon assez forte, a jeté son épée dans le plateau de la balance où étaient les poids.

— Afin d’avoir une rançon plus forte, le gaillard ! Il faisait à l’inverse des fruitières, qui donnent le coup de pouce au trébuchet, je comprends cela ; mais il y a deux choses que je comprends moins : d’abord, tu me dis que ce guerrier, qui vivait il y a plus de deux mille ans, était un de nos pères ?

— Oui, en cela que Brennus et les Gaulois de son armée appartenaient à la race dont nous descendons, presque tous tant que nous sommes, dans le pays.

— Un moment… tu dis que c’étaient des Gaulois ?

— Oui, grand-père.

— Alors nous descendrions de la race gauloise ?

— Certainement (A).

— Mais nous sommes Français ! Comment diable arranges-tu cela, mon garçon ?

— C’est que notre pays… notre mère-patrie à tous, ne s’est pas toujours appelée la France.

— Tiens… tiens… tiens… — dit le vieillard en ôtant sa pipe de sa bouche ; — comment, la France ne s’est pas toujours appelée la France ?

— Non, grand-père ; pendant un temps immémorial notre patrie s’est appelée la Gaule, et a été une république aussi glorieuse, aussi puissante, mais plus heureuse, et deux fois plus grande que la France du temps de l’empire.

— Fichtre ! excusez du peu…

— Malheureusement, il y a à peu près deux mille ans…

— Rien que ça… deux mille ans ! Comme tu y vas, mon garçon !