Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/307

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À ces questions, l’Irlandais fit signe qu’il ne comprenait pas, et, dans son langage moitié gaulois, il reprit :

— Je viens vers la flotte pour lui donner des nouvelles.

— Quelle langue parle cet homme ? — dit l’interprète à Albinik. — Je ne l’entends pas, quoique son langage ne me semble pas tout à fait étranger.

— Il parle moitié irlandais, moitié gaulois, — répondit Albinik. — J’ai souvent commercé sur les côtes de ce pays ; je sais ce langage. Cet homme dit s’être dirigé vers la flotte pour lui donner des nouvelles.

— Demande-lui quelles sont ces nouvelles.

— Quelles nouvelles as-tu à donner ? — dit Albinik à l’Irlandais.

— Les vaisseaux gaulois, — répondit-il, — venant de divers ports de Bretagne, se sont réunis hier soir dans cette baie, dont je sors. Ils sont en très-grand nombre, bien équipés, bien armés, et prêts au combat… Ils ont choisi leur ancrage tout au fond de la baie, près du port de Vannes. Vous ne pourrez les apercevoir qu’après avoir doublé le promontoire d’Aëlkern…

— L’Irlandais nous apporte des nouvelles favorables, — dit Albinik à l’interprète. — La flotte gauloise est dispersée de tous côtés : une partie de ses vaisseaux est dans la rivière d’Auray, d’autres plus loin encore, vers la baie d’Audiern et Ouessant… Il n’y a au fond de cette baie, pour défendre Vannes par mer, que cinq ou six mauvais vaisseaux marchands, à peine armés à la hâte.

— Par Jupiter ! — s’écria l’interprète joyeux ; — les dieux sont, comme toujours, favorables à César !…

Le préteur et les officiers, à qui l’interprète répéta la fausse nouvelle donnée par le pilote, parurent aussi très-joyeux de cette dispersion de la flotte gauloise… Vannes était ainsi livrée aux Romains, presque sans défense, du côté de la mer.

Albinik dit alors à l’interprète en lui montrant le soldat à la hache :

— César s’est défié de moi ; bénis soient les dieux de me permettre