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l’entrée de la tente : la toile soulevée laissait voir plusieurs soldats espagnols.

— César veut s’entretenir avec toi sur-le-champ, — dit l’interprète au marin. — Suis-moi.

Albinik, persuadé que les soupçons du général romain, s’il en avait eu, venaient d’être détruits par le rapport de l’interprète, se crut au moment de connaître la mission dont on voulait le charger ; il se disposait, ainsi que Méroë, à sortir de la tente, lorsque celui-ci dit à la jeune femme en l’arrêtant du geste :

— Tu ne peux nous accompagner ; César veut parler seul avec ton compagnon.

— Et moi, — répondit le marin en prenant la main de sa femme, — je ne quitte pas Méroë.

— Oses-tu bien refuser d’obéir à mon ordre ? — dit l’interprète. — Prends garde !… prends garde !…

— Nous, irons tous deux près de César, — reprit Méroë, — ou nous n’irons ni l’un ni l’autre.

— Pauvres insensés ! n’êtes-vous pas prisonniers et à notre merci ? — dit l’interprète en indiquant les soldats immobiles à l’entrée de la tente. — De gré ou de force, je serai obéi.

Albinik réfléchit que résister était impossible… La mort ne l’effrayait pas ; mais mourir, c’était renoncer à ses projets au moment même où ils semblaient devoir réussir. Cependant il s’inquiétait de laisser Méroë seule dans cette tente. La jeune femme devina les craintes de son époux, et sentant comme lui qu’il fallait se résigner, elle lui dit :

— Va seul… je t’attendrai sans alarmes, aussi vrai que ton frère est habile armurier

À ces mots de sa femme, rappelant qu’elle portait sous ses vêtements un poignard forgé par Mikaël, Albinik, plus rassuré, suivit l’interprète. Les toiles de l’entrée de la tente, un moment soulevées, s’abaissèrent, et bientôt Méroë crut entendre de ce côté le bruit d’un