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lées s’il est une baie, un cap, un îlot, un écueil, un banc de sable, un brisant, que je ne connaisse, depuis le golfe d’Aquitaine jusqu’à Dunkerque.

— Tu vantes ta science de pilote ; comment la prouveras-tu ?

— Nous sommes près de la côte : pour qui n’est pas bon et hardi marin, rien de plus dangereux que la navigation de l’embouchure de la Loire en remontant vers le nord.

— C’est vrai, — répondit l’étranger. — Hier encore une galère romaine a échoué et s’est perdue sur un banc de sable.

— Qui pilote bien un bateau, — dit Albinik, — pilote bien une galère, je pense ?

— Oui.

— Faites-nous conduire demain matin sur la côte ; je connais les bateaux pêcheurs du pays : ma compagne et moi nous suffirons à la manœuvre, et du haut du rivage. César nous verra raser les écueils, les brisants, et nous en jouer comme le corbeau de mer se joue des vagues qu’il effleure. Alors César me croira capable de piloter sûrement une galère sur les côtes de Bretagne.

L’offre d’Albinik ayant été traduite à César par l’interprète, celui-ci reprit :

— L’épreuve que tu proposes, nous l’acceptons… Demain matin elle aura lieu… Si elle prouve ta science de pilote, peut-être, en prenant toute garantie contre ta trahison, si tu voulais nous tromper, peut-être seras-tu chargé d’une mission qui servira ta haine… plus que tu ne l’espères ; mais il te faudrait pour cela gagner toute la confiance de César.

— Que faire ?

— Tu dois connaître les forces, les plans de l’armée gauloise. Prends garde de mentir, nous avons eu déjà des rapports à ce sujet ; nous verrons si tu es sincère, sinon le chevalet de torture n’est pas loin d’ici.

— Arrivé à Vannes le matin, arrêté, jugé, supplicié presque aussi-