Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gardée par l’élite de ses vieux soldats espagnols, chargés de veiller sur sa personne.

Albinik et Méroë, amenés dans la tente de César, le fléau de la Gaule, ont été délivrés de leurs liens ; ils ont tâché de contenir l’expression de leur haine, et ont regardé autour d’eux avec une sombre curiosité.

Voilà ce qu’ils ont vu :

La tente du général romain, recouverte au dehors de peaux épaisses, comme toutes les tentes du camp, était ornée au dedans d’une étoffe de couleur pourpre, brodée d’or et de soie blanche ; le sol battu disparaissait sous un tapis de peaux de tigre. César achevait de souper, à demi couché sur un lit de campagne que cachait une grande peau de lion, dont les ongles étaient d’or et la tête ornée d’yeux d’escarboucles. À portée du lit, sur une table basse, les deux époux virent de grands vases d’or et d’argent précieusement ciselés, des coupes enrichies de pierreries. Assise humblement au pied du lit de César (triste spectacle pour une femme libre), Méroë vit une jeune et belle esclave, africaine sans doute, car ses vêtements blancs faisaient ressortir davantage encore son teint couleur de cuivre, où brillaient ses grands yeux noirs ; elle les leva lentement sur les deux étrangers, tout en caressant un grand lévrier fauve, étendu à ses côtés ; elle semblait aussi craintive que le chien.

Les généraux, les officiers, les secrétaires, les jeunes et beaux affranchis de César, se tenaient debout autour de son lit, tandis que des esclaves noirs d’Abyssinie, portant au cou, aux poignets et aux chevilles, des ornements de corail, restaient immobiles comme des statues, tenant à la main des flambeaux de cire parfumée, dont la clarté faisait étinceler les splendides armures des Romains.

César, devant qui Albinik et Méroë ont baissé le regard, de crainte de trahir leur haine, César avait quitté ses armes pour une longue robe de soie richement brodée ; sa tête était nue, rien ne cachait son grand front chauve, de chaque côté duquel ses cheveux bruns étaient