Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à César. » Telles furent les premières paroles du marin aux soldats. Ceux-ci, apprenant ainsi que les deux voyageurs appartenaient à l’une des provinces soulevées en armes, traitèrent rudement ceux qu’ils regardèrent comme leurs prisonniers, les garrottèrent et les conduisirent au camp.

Ce camp, ainsi que tous ceux des Romains, était défendu par un fossé large et profond, au delà duquel s’élevaient des palissades et un retranchement de terre très-élevé, où veillaient des soldats de guet.

Albinik et Méroë furent d’abord conduits à l’une des portes du retranchement. À côté de cette porte, ils ont vu, souvenir cruel… cinq grandes croix de bois : à chacune d’elles était crucifié un marin gaulois, aux vêtements tachés de sang. La lumière de la lune éclairait ces cadavres…

— On ne nous avait pas trompés, — dit tout bas Albinik à sa compagne ; — les pilotes ont été crucifiés après avoir subi d’affreuses tortures, plutôt que de vouloir piloter la flotte de César sur les côtes de Bretagne.

— Leur faire endurer la torture… La mort sur la croix.. — répondit Méroë, — est-ce loyal ?… Hésiterais-tu encore ?… Parleras-tu de traîtrise ?…

Albinik n’a rien répondu ; mais il a serré dans l’ombre la main de sa compagne. Amenés devant l’officier qui commandait le poste, le marin répéta les seuls mots qu’il sût dans la langue des Romains : « Nous sommes Gaulois bretons ; nous voulons parler à César. » En ces temps de guerre, les Romains enlevaient ou retenaient souvent les voyageurs, afin de savoir par eux ce qui se passait dans les provinces révoltées. César avait donné l’ordre de toujours lui amener les prisonniers ou les transfuges qui pouvaient l’éclairer sur les mouvements des Gaulois.

Les deux époux ne furent donc pas surpris de se voir, selon leur secret espoir, conduits à travers le camp jusqu’à la tente de César,