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baignées de larmes, — ton courroux ne s’apaisera jamais si ce dernier sacrifice ne le calme pas…

La lune s’était levée radieuse au milieu des étoiles ; elle inondait l’espace d’une si éclatante lumière, que les deux époux voyaient comme en plein jour, et jusqu’aux plus lointains horizons, le pays qui s’étendait à leurs pieds.

Soudain, un léger nuage de fumée, d’abord blanchâtre, puis noire, puis bientôt nuancée des teintes rouges d’un incendie qui s’allume, s’éleva au-dessus de l’un des villages disséminés dans la plaine.

— Hésus !… Hésus !… — s’écria Méroë, tout en cachant sa figure dans le sein de son époux agenouillé près d’elle, — tu as dit vrai : l’astre sacré de la Gaule a donné le signal du sacrifice… il s’accomplit…

— Oh ! liberté !… — s’est écrié Albinik, — sainte liberté !…

Il n’a pu achever… Sa voix s’est éteinte dans les pleurs, tandis qu’il serrait avec force sa femme éplorée entre ses bras.

Méroë n’est pas restée la figure cachée dans le sein de son époux plus de temps qu’il n’en faudrait à une mère pour baiser le front, la bouche et les yeux de son enfant nouveau-né…

Et lorsque Méroë, relevant la tête, a osé regarder au loin… ce n’était plus seulement une maison, un village, un bourg, une ville, de cette longue suite de vallées, qui disparaissait dans des flots de fumée noire teinte des lueurs rouges de l’incendie qui s’allume !

C’étaient toutes les maisons… tous les villages… tous les bourgs, toutes les villes… de cette longue suite de vallées que l’incendie dévorait…

Du nord au midi, de l’orient à l’occident, tout était incendie ! les rivières elles-mêmes semblaient rouler des flammes sous leurs bateaux chargés de grains, de tonneaux, de fourrages, aussi embrasés, qui s’abîmaient dans les eaux.

Tour à tour le ciel était obscurci par d’immenses nuages de fumée ou enflammé par d’innombrables colonnes de feu.