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— Guerre ! guerre ! guerre !

Le grand dogue de bataille de Joel, animé par ces cris, se leva debout, appuyant ses pattes de devant sur la poitrine de son maître, qui, caressant sa tête énorme, lui dit :

— Oui, vieux Deber-Trud, tu feras comme notre tribu la chasse aux Romains… La curée sera pour toi… ta gueule sera rouge de sang ! Ouh… ouh !… Deber-Trud, aux Romains, aux Romains… Ouh… ouh !…

À ces cris de guerre le dogue répondit par des hurlements furieux, en montrant des crocs aussi redoutables que ceux d’un lion. Les chiens de garde du dehors, ainsi que ceux renfermés dans les étables, entendant Deber-Trud, lui répondirent, et les hurlements de cette meute de bataille devinrent effroyables !

— Bon présage, ami Joel, — dit le voyageur, — tes dogues hurlent à la mort de l’ennemi.

— Oui, oui, mort à l’ennemi ! — s’écria le brenn. — Grâce aux dieux… dans notre Gaule bretonne, au jour du péril… le chien de garde devient chien de guerre ! le cheval de trait, cheval de guerre ! le taureau de labour, taureau de guerre ! le chariot de moisson, chariot de guerre ! le laboureur, homme de guerre ! et jusqu’à notre terre paisible et féconde, devenant terre de guerre, dévore l’étranger ! À chaque pas il trouve un tombeau dans nos marais sans fonds, dans nos grèves mouvantes, dans les abîmes de nos roches, et ses vaisseaux disparaissent dans les gouffres de nos baies plus terribles dans leur calme que la tempête dans sa fureur !

— Joel, — dit alors Julyan, qui s’était éloigné du corps de son ami, — j’ai promis à Armel d’aller le rejoindre ailleurs… Cette mort serait pour moi un plaisir… Mourir en combattant les Romains est un devoir… Que faire ?

— Demain tu le demanderas à l’un des druides de Karnak ; il te le dira, Julyan….

— Et notre sœur Hêna ? — dit à sa mère Albinik, le marin, —