Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore plus avide de voir des pays inconnus que de les conquérir, s’unissant aussi facilement qu’elle se divise, trop orgueilleuse et trop changeante pour soumettre ou accommoder son avis à celui de ses voisins, ou, si elle y consent, incapable de marcher longtemps de concert avec eux, quoiqu’il s’agisse des intérêts communs les plus importants… voilà les vices de cette famille ; en bien et en mal, ainsi elle a toujours été depuis des siècles, ainsi est-elle encore aujourd’hui, ainsi sera-t-elle sans doute demain !

— Eh, eh, si je ne me trompe, — reprit le brenn en riant, — tous tant Gaulois que nous sommes ! nous serions un peu de cette famille-là….

— Oui, — dit l’inconnu ; — pour son malheur… et pour la joie de ses ennemis… tel a-t-il été et est le caractère de notre peuple !

— Avoue du moins que, malgré ce caractère, ce cher peuple gaulois a bien fait son chemin dans le monde ! car il est peu de terres où ce grand vagabond curieux, comme tu l’appelles, n’ait été promener ses chausses, le nez au vent et l’épée sur la cuisse…

— Tu dis vrai ; tel est notre esprit d’aventure : toujours marcher en avant et vers l’inconnu, plutôt que de s’arrêter et de fonder. Aussi, aujourd’hui, le tiers de la Gaule est au pouvoir des Romains, tandis qu’il y a plusieurs siècles la race gauloise, par ses conquêtes exagérées, occupait, en outre de la Gaule, l’Angleterre, l’Irlande, la haute Italie, la rive droite du Danube, le pays d’outre-mer, jusqu’au Danemark, et ce n’était pas assez, car on dirait que notre race devait se répandre dans tout le monde ! Les Gaulois du Danube s’en allaient en Macédoine, en Thrace, en Thessalie ; d’autres, traversant le Bosphore et l’Hellespont, atteignaient l’Asie-Mineure, fondaient la nouvelle Gaule, et devenaient ainsi arbitres de tous les rois de l’Orient.

— Jusqu’ici, — reprit le brenn, — il me semble que nous n’avons pas à regretter notre caractère, que tu juges sévèrement ?

— Et qu’est-il donc resté de ces folles batailles entreprises par l’orgueil des rois qui alors régnaient sur les Gaules ? Ces conquêtes loin-