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— Il en doit être ainsi… — reprit tristement Julyan. — Car, que deviendrais-je, moi, qui demain vais rejoindre Armel par serment et par amitié, si je le retrouvais oiseau, moi étant devenu cerf des bois ou bœuf des champs ?…

— Ne crains rien, jeune homme, — dit l’étranger à Julyan ; — la religion de Hésus est la seule vraie ; elle nous enseigne que nous retrouvons après la mort des corps plus jeunes et plus beaux.

— C’est là mon espoir ! — dit Rabouzigued, le nabot.

— Ce que c’est que de voyager ! — reprit Joel ; — que de choses l’on apprend ! Mais, tiens, pour ne pas être en reste avec toi, récit pour récit, fière Gauloise pour fière Gauloise… demande à Margarid de te raconter la belle action d’une de ses aïeules ; il y a à peu près cent trente ans de cela, lorsque nos pères étaient allés jusqu’en Asie fonder la nouvelle Gaule ; car il est peu de terres dans le monde qu’ils n’aient touchées de leurs semelles.

— Après le récit de ta femme, — reprit l’étranger, — puisque tu veux parler de nos pères, je t’en parlerai aussi, moi… et par Ritta-Gaür !… jamais le moment n’aura été mieux choisi ; car pendant que nous racontons et écoutons ici des récits, vous ne savez pas ce qui se passe, vous ignorez qu’en ce moment peut-être…

— Pourquoi t’interrompre ? — dit Joel surpris. — Que se passe-t-il donc pendant que nous faisons ici des contes ? Qu’y a-t-il de mieux à faire au coin de son foyer, pendant les longues et froides soirées d’automne ?…

Mais l’étranger, au lieu de répondre à Joel, dit respectueusement à Mamm’Margarid :

— J’écouterai le récit de l’épouse de Joel.

— C’est un récit très-simple, — répondit Margarid tout en filant sa quenouille, — un récit simple comme l’action de mon aïeule… Elle se nommait Siomara.

— Et en son honneur, — dit Guilhern interrompant sa mère, et montrant avec orgueil à l’étranger une enfant de huit ans, d’une