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ployée dans ces manuscrits… Vous le savez, mes enfants, votre mère et moi, nous vous avons toujours donné, dès votre plus bas âge, une bonne de notre pays, afin que vous apprissiez à parler le breton en même temps que le français ; aussi, votre mère et moi, nous vous avons toujours entretenus dans l’habitude de cette langue en nous en servant souvent avec vous ?…

— Oui, mon père…

— Eh bien, mon enfant, — dit M. Lebrenn à son fils, — en t’apprenant le breton, j’avais surtout en vue, suivant d’ailleurs une tradition de notre famille, qui n’a jamais abandonné sa langue maternelle, de te mettre à même de lire ces manuscrits.

— Ils sont donc écrits en langue bretonne, père ? — demanda Velléda.

— Oui, enfants ; car la langue bretonne n’est autre que la langue celtique ou gauloise, qui se parlait dans toute la Gaule avant les conquêtes des Romains et des Franks. Sauf quelques altérations causées par les siècles, elle s’est à peu près conservée dans notre Bretagne jusqu’à nos jours ; car, de toutes les provinces de la Gaule, la Bretagne est la dernière qui se soit soumise aux rois franks, issus de la conquête… Oui… et ne l’oublions jamais, cette fière et héroïque devise de nos pères asservis, dépouillés par l’étranger : « Il nous reste notre nom, notre langue, notre foi… » Or, mes enfants, depuis deux mille ans de lutte et d’épreuves, notre famille a conservé son nom, sa langue et sa foi ; car nous nous appelons Lebrenn, nous parlons gaulois, et je vous ai élevés dans la foi de nos pères, dans cette foi à l’immortalité de l’âme et à la continuité de l’existence, qui nous fait regarder la mort comme un changement d’habitation, rien de plus… foi sublime, dont la moralité, enseignée par les druides, se résumait par des préceptes tels que ceux-ci : « Adorer Dieu. Ne point faire le mal. Exercer la générosité. Celui-là est pur et saint qui fait des œuvres célestes et pures. » Heureusement, mes enfants, nous ne sommes pas les seuls qui ayons conservé ce dogme sublime de conti-