Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

transformation sociale s’opérait ; car, je vous le répète, l’humanité marche toujours… parfois lentement, jamais elle n’a fait un pas en arrière.

— Mon père, je vous crois… cependant…

— Malgré toi tu doutes encore, Sacrovir ? Je comprends cela ; heureusement les enseignements, les preuves, les dates, les faits, les noms, que tu trouveras tout à l’heure dans la chambre mystérieuse, te convaincront mieux que mes paroles… Et lorsque vous verrez, mes amis, qu’aux temps les plus affreux de notre histoire, tels que les ont presque toujours faits à notre pays les rois, les seigneurs et le haut clergé catholique ; lorsque vous verrez que nous autres conquis, nous sommes partis de l’esclavage pour arriver progressivement, à travers les siècles, à la souveraineté du peuple, vous vous demanderez si à cette heure, où nous sommes investis de cette souveraineté si laborieusement gagnée, nous ne serions pas criminels de douter de l’avenir… En douter, grand Dieu ! ah ! nos pères, malgré leur martyre, n’en ont jamais douté, eux ! Aussi, n’est-il presque pas de siècle où ils n’aient fait un pas vers l’affranchissement… Hélas ! ce pas était presque toujours ensanglanté. Car si nos maîtres les conquérants se sont montrés implacables, vous le verrez, il n’est pas de siècle où de terribles représailles n’aient éclaté contre eux pour satisfaire la justice de Dieu… Oui, vous le verrez, pas de siècle où le bonnet de laine ne se soit insurgé contre le casque d’or ! où la faux du paysan ne se soit croisée avec la lance du chevalier ! où la main calleuse du vassal n’ait brisé la main douillette de quelque tyranneau d’évêque ! Vous le verrez, mes enfants… pas de siècle où les infâmes débauches, les voleries, les férocités des rois et de la plupart des seigneurs et des membres du haut clergé catholique, n’aient soulevé les populations, et où elles n’aient protesté par les armes contre la tyrannie du trône, de la noblesse et des papes !… Vous le verrez, pas de siècle où les affamés, se dressant inexorables comme la faim, n’aient jeté les repus dans la terreur… pas de siècle qui n’ait eu son festin de Balthazar,