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— Une armée sur le Rhin, une autre sur la frontière du Piémont pour marcher à l’aide de nos frères d’Europe, s’ils ont besoin de notre secours, — dit Georges Duchêne, — et la république fait le tour du monde !… Alors, plus de guerre, n’est-ce pas, monsieur Lebrenn ?… Union ! fraternité des peuples ! paix générale ! travail ! industrie ! bonheur pour tous !… Plus d’insurrections, puisque la lutte pacifique du suffrage universel va désormais remplacer ces luttes fratricides dans lesquelles tant de nos frères ont péri.

— Oh ! — s’écria Velléda Lebrenn, qui des yeux avait suivi son fiancé tandis qu’il parlait, — que l’on est heureux de vivre dans un temps comme celui-ci ! Que de grandes et nobles choses nous verrons, n’est-ce pas, mon père ?

— En douter, mes enfants ! serait nier la marche, le progrès constant de l’humanité !… — dit M. Lebrenn. — Et jamais l’humanité n’a reculé…

— Que le bon Dieu vous entende, monsieur Lebrenn ! — reprit le père Morin. — Et quoique bien vieux, j’aurai ma petite part de ce beau spectacle.. Après ça, c’est être trop gourmand aussi ! — ajouta le bonhomme d’un air naïf et attendri en regardant la fille du marchand. — Est-ce que j’ai encore quelque chose à désirer, moi ? maintenant que je sais que cette bonne et belle demoiselle doit être la femme de mon petit-fils ? Ne fait-il pas à cette heure partie d’une famille de braves gens ? la fille valant la mère… le fils valant le père… Dame !… quand on a vu cela, et qu’on est aussi vieux que moi… l’on n’a plus rien à voir… on peut s’en aller… le cœur content !…

— Vous en aller, bon père ? — dit madame Lebrenn en prenant une des mains tremblantes du bonhomme. — Et ceux qui restent et qui vous aiment ?

— Et qui se sentiront doublement heureux, — ajouta Velléda en prenant l’autre main du vieillard, — si vous êtes témoin de leur bonheur !

— Et qui tiennent à honorer longuement en vous, bon père, le