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parvint à le retirer de dessous son cheval, et à le pousser dans l’intérieur de la boutique.

— Amis ! ces dragons sont isolés, hors d’état de nous résister… désarmons-les… mais pas de carnage inutile… ce sont des frères !…

— Grâce aux soldats… mais mort au colonel ! — s’écrièrent les hommes qui étaient accourus chargés par les dragons. — Mort au colonel !…

— Oui ! oui ! — répétèrent plusieurs voix.

— Non ! — s’écria le marchand en barrant sa porte avec son fusil, tandis que Georges se joignait à lui. — Non ! non ! pas de massacre après le combat… pas de lâcheté !…

— Le colonel a tué mon frère d’un coup de pistolet à bout portant… là-bas, au coin de la rue ! — hurla un homme, les yeux sanglants, l’écume aux lèvres, en brandissant un sabre. — À mort, le colonel !…

— Oui ! oui ! à mort !… — crièrent plusieurs voix menaçantes. — À mort !…

— Non ! vous ne tuerez pas un homme blessé ! — Vous ne voudrez pas massacrer un homme désarmé…

— À mort ! — répétèrent plusieurs voix. — À mort !…

— Eh bien, entrez ! — Voyons si vous aurez le cœur de déshonorer la cause du peuple par un crime !

Et le marchand, quoique prêt à s’opposer de nouveau à cette férocité, laissa libre la porte qu’il avait jusque-là défendue.

Les assaillants restèrent immobiles, frappés des paroles de M. Lebrenn.

Cependant, l’homme qui voulait venger son frère s’élança le sabre à la main en poussant un cri farouche. Déjà il touchait au seuil de la porte, lorsque Georges, lui saisissant les mains, et les serrant entre les siennes, l’arrêta, et lui dit d’une voix profondément émue :

— Tu voudrais te venger par un assassinat ? Non, frère… tu n’es pas un assassin !