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— Ce cadet-là vous a volé, la petite mère ? — dit le chiffonnier à cette femme.

— Oui, mon brave homme, — répondit-elle. — J’étais sur le pas de ma porte ; cet homme me dit : Le peuple se soulève, il nous faut des armes. — Monsieur, je n’en ai pas, lui ai-je répondu. — Alors il m’a repoussée, est entré malgré moi dans ma boutique en disant : — Eh bien ! s’il n’y a pas d’armes, je veux de l’argent pour en acheter. — En disant cela, il a ouvert mon comptoir, a pris trente-deux francs qui s’y trouvaient avec une montre d’or. J’ai voulu l’arrêter, il a tiré un couteau-poignard… heureusement j’ai paré le coup avec ma main… Tenez, voyez comme elle saigne… J’ai redoublé mes cris, et il s’est enfui…

L’accusé était un homme bien vêtu, mais d’une figure ignoble ; le vice endurci avait laissé sur ses traits flétris son empreinte ineffaçable.

— Ce n’est pas vrai ! je n’ai pas volé ! — s’écria-t-il d’une voix enrouée, en se débattant pour éviter d’être fouillé. — Laissez-moi… Et d’ailleurs, est-ce que ça vous regarde ?

— Un peu que ça nous regarde, mon cadet ! — reprit le chiffonnier en le retenant. — Tu as donné un coup de poignard à cette pauvre dame après l’avoir volée au nom du peuple… Minute… faut s’expliquer.

— Voilà déjà la montre, — dit un ouvrier après avoir fouillé le voleur.

— La reconnaîtriez-vous, madame ?

— Je crois bien, monsieur ; elle est ancienne et très-grosse.

— C’est bien ça, — dit l’ouvrier. — Tenez, la voici.

— Et dans son gilet, — dit un autre en continuant de fouiller le voleur, — six pièces cent sous et une pièce de quarante sous.

— Mes trente-deux francs ! — s’écria la marchande. — Merci, mes bon messieurs, merci…

— Ah ça ! maintenant ; mon cadet ! à nous autres, — reprit le