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Arthur pâlissait et restait muet. Il ne pouvait croire à tant de bonheur.

« Comme vous n’avez ni parents, ni amis, j’ai cru pouvoir prendre cette décision sans vous consulter… Allons, Arthur, ne tremblez donc pas ainsi… ne suis-je pas votre amie… votre mère… pauvre enfant ?… »

Elle prit la main du jeune homme en l’attirant près d’elle.

« Oh ! oui, — dit-il en tombant à ses genoux, — oh ! oui, vous êtes tout pour moi… vous êtes la seule qui m’ayez témoigné de l’intérêt… je vous aime de toute la tendresse que j’ai dans le cœur, je vous aime comme une mère, comme une sœur, comme une amie ; ô vous… toujours vous, vous serez mon Dieu, ma religion, ma croyance. »

Et Arthur, hors de lui, baisait les genoux, les mains, les pieds de la jeune femme, dont le sein palpitait, et qui disait d’une voix émue : « Arthur, mon enfant… je crois à votre reconnaissance… j’y crois… finissez…

Arthur… »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et il se trouvait à la terre de sa protectrice.

C’étaient de fraîches eaux, d’épais ombrages, une solitude profonde, un parc entouré de hautes murailles, pas d’autres valets qu’une vieille gouvernante dévouée et un jardinier sourd.


Les empoisonneurs.

Elle lui avait promis quelque chose qu’il attendait avec une inconcevable impatience.

Les appartements de ce château étaient vastes et gothiques, mais commodes, retirés, silencieux.

Et il voyait la jeune femme à moitié couchée sur un de ces antiques fauteuils si bons et si moelleux.

Vêtue d’un blanc et frais peignoir de mousseline qui laissait voir le bout de sa jambe fine et ronde et son joli pied chaussé d’une petite pantoufle bleue… son beau bras passé autour du cou d’Arthur, elle abaissait sur lui son humide regard.

« Tu m’aimeras donc toujours… Arthur ? — lui disait-elle en le baisant au front. — Oh ! toujours, ma vie, à toi, ma vie… » disait l’ardent jeune homme en liant avec volupté ses bras à la divine taille de sa jolie sœur, mère ou amie, comme il disait.

Elle fit un mouvement en arrière… son peigne tomba, et son admirable chevelure noire se déroula sur son cou, sur ses épaules, sur ses bras, en une multitude de boucles brunes et luisantes.

Et Arthur baisait ces beaux cheveux avec transport et ivresse, les divisait, les nattait, en couvrait sa figure.

Et elle, palpitante et rêveuse, le laissait faire, mais elle sentit tout à coup les lèvres de l’enfant frissonner sur les siennes.


Écoute, blanc… écoute une singulière histoire.

Il s’était traîtreusement caché sous l’épaisse chevelure de la jeune femme, et, dressant tout à coup sa jolie figure au milieu de cette forêt d’ébène, qu’il partagea en deux touffes soyeuses… il avait surpris un délirant baiser.


Le prix de vertu.

« Ah ! — dit-elle avec une petite moue enchanteresse, — ah ! vous me trompiez… Arthur, je vais vous étrangler… »