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OSCAR WILDE

Oscar Wilde, qui se plaisait à ses propres fables, portait deux bagues, dont l’une, prétendait-il, attirait le bonheur et l’autre le malheur. « Car, ajoutait-il, je n’ai jamais mélangé, comme la plupart des gens, mes parts de bonheur et de malheur. Je fus longtemps le plus heureux des hommes, je mérite bien d’en être le plus malheureux. Pour le moment, je subis l’influence de la mauvaise bague. »

Fataliste et stoïque, il souriait alors douloureusement à je ne sais quels affreux souvenirs, mais oubliait bientôt ses peines en imaginant quelque conte dont le héros était invariablement un roi ou un dieu, déployant ses aventures dans un palais de marbre, parmi les fleurs, les bannières et les musiques. Le rêve le consolait de la vie.

Je connus Oscar Wilde à Londres, au moment suprême de sa célébrité. Il allait par la ville, entouré de disciples, étonnant la foule, recherché de l’élite ; trois théâtres jouaient simultanément ses pièces. Dorian Gray, qui devait faire scandale, allait paraître. Il venait de publier Intentions, livre impertinent et paradoxal, où il