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suspect et l’hyperbolisme de Victor Hugo nous force à la méfiance. Chez les Parnassiens, le dogmatique Sully-Prudhomme fit précéder d’idées préconçues ses jugements, ce qui est à proprement parler mettre la charrue avant les bœufs, et le bouillant Catulle Mendès, dès qu’on prononce devant lui certains mots magiques comme « vers libre », se met en colère avant même de savoir de quoi il s’agit.

Parmi les symbolistes, deux poètes se sont distingués comme critiques : Gustave Kahn et Albert Mockel. Mais tandis que celui-ci fait de la critique un art en soi, avoisinant la philosophie, l’autre l’a le plus souvent subordonnée aux questions du jour. Les articles critiques de Kahn, riches en idées, toniques et stimulants, valent peu par la forme. Albert Mockel, au contraire déploie toutes les ressources d’un esprit souple et délié et tous les agréments d’un style nombreux et divers dans ses exégèses. Aucun historien du symbolisme ne peut négliger ses études sur Stéphane Mallarmé, Henri de Régnier et Francis Viélé-Griffin, qui contiennent, je ne crains pas de l’affirmer, toute l’esthétique de l’école.

Le sentiment critique poussé à ce point ne nuit-il pas à l’instinct poétique ? À force d’approfondir les secrets de son métier, le danger n’est-il pas qu’on devienne virtuose pour cesser d’être poète ?