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lyrique de Pierre Quillard comme celui d’Éphraïm Mikhaël. Je connais déjà de jeunes poètes qui portent ces noms dans leur cœur. C’est à eux, après nous, de les transmettre à la postérité.

Je voudrais, dans cet article trop hâtivement écrit, donner à ceux qui ne l’ont pas connu une idée de qu’était Pierre Quillard dans l’intimité. Dans les réunions publiques, se sachant peu doué pour la grande éloquence, quoique certains de ses élans fussent irrésistibles, il se bornait souvent à des effets d’ironie qui calmaient, par le rire, un public échauffé par des orateurs plus ardents. Cependant ce masque ironique, il ne le portait que par excès de sensibilité, afin de ne pas s’abandonner à une indignation qui l’eût entraîné au-delà des bornes. À son foyer il était le plus primesautier des hommes, sans rien de ce puritanisme un peu rêche qu’on prête à tort aux réformateurs. Nul n’aimait mieux les bonnes choses de la vie, nul n’était plus prêt à s’en passer. Épicurien de nature, il était stoïcien de raison, et il était arrivé à établir en lui un équilibre parfait entre les appétits légitimes du corps et les aspirations idéales de l’esprit. Je le vois encore, les lèvres un peu gouailleuses sous la forte barbe, le nez combatif, sensuel et spirituel, et les yeux, — oh ! surtout ces bons yeux d’enfant — souriant sous