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des dépouilles. Il ressemblait en ce point à son ami Bernard Lazare qui, ayant mis en branle toute l’affaire Dreyfus, se vit oublié, dans l’ivresse de leur triomphe, par les combattants de la dernière heure.

On connaît la vie de Pierre Quillard. Elle ne fut qu’une lutte magnifique et sereine en faveur de la Justice et de la Beauté. Avant d’en noter les principaux épisodes, je tiens à déclarer que si, personnellement, je partage toutes les idées de mon ami, je ne demande à personne de les approuver. Dans la mêlée des opinions, nous croyons chacun avoir raison, et nous devons le croire passionnément, mais n’est-ce pas manquer de noblesse que de douter de la bonne foi de ses adversaires ? Moins qu’aux autres, il nous est permis à nous, qui n’avons cessé de lutter contre tous les dogmes, de prétendre à l’infaillibilité. Au-dessus des opinions, plaçons le caractère. Chaque fois que nous rencontrons sur notre chemin un antagoniste qui se distingue par la sincérité, le courage et le désintéressement, saluons-le bien bas avant de le combattre. Cet esprit chevaleresque, Pierre Quillard le possédait au suprême degré. Il estimait hautement des hommes comme Denis Cochin et de Mun ; jamais même, dans ses critiques littéraires, il ne froissa, lui, libre penseur, des poètes catholiques comme