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une voix à la muette douleur de la multitude, qui se fait le héraut du Droit et l’annonciateur de la Justice, et qui, au besoin, apporte à la trop lâche humanité, non pas la paix, mais le glaive. L’harmonie qui régnait dans ses œuvres et dans celles qu’il admirait, il en demandait passionnément la réalisation pratique aux hommes de bonne volonté. Pas plus que dans ses poèmes, il ne pouvait tolérer une dissonance dans la société. Il portait en toutes choses le souci de la perfection. Lui-même s’était purifié de tout bas désir, et c’est avec le désintéressement de l’apôtre que Pierre Quillard prit part aux luttes idéologiques de son temps.

Ne croyez pas que mon amitié m’incline à exagérer le mérite loyal d’un homme dont la plupart ne connurent que les actes publics. Le monde est une vaste scène où les acteurs, ayant prononcé les paroles de leur rôle, disparaissent sans que nous nous inquiétions trop d’apprendre quel genre d’esprits ils furent. Tous ceux qui ont vécu dans l’intimité de Pierre Quillard savent combien il fut supérieur à tous les rôles qu’il se permit d’assumer. Il laissait aux autres les places en vue, préférant se tenir à l’écart, et ne s’avançait au premier rang qu’au moment du danger. C’est aux autres aussi qu’il abandonnait la gloire de recueillir les lauriers et l’avantage de profiter