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quoique bouleversé de fond en comble, devient « État libre » ou même « Société libre », sans cesser d’être l’une la morale et l’autre l’État.


La morale étant désormais purement humaine et complètement séparée de la Religion dont, historiquement, elle est sortie, rien ne s’oppose à ce qu’elle devienne elle-même une religion. En effet, la Religion ne diffère de la Morale que pour autant que nos relations avec le monde des hommes sont réglées et sanctifiées par nos rapports avec un être surhumain, et que nous n’agissons plus que par « amour de Dieu ». Mais admettez que « l’Homme est pour l’homme l’être suprême », et toute différence s’efface ; la Morale quitte son rang subalterne, elle se complète, s’absolutise et devient — Religion. L’Homme, être supérieur, jusqu’ici subordonné à un Être suprême, s’élève à la hauteur absolue, et nous sommes dans nos rapports avec Lui ce que nous sommes aux pieds d’un être suprême, — religieux.

Moralité et Piété redeviennent ainsi aussi parfaitement synonymes qu’au début du Christianisme. Si le sacré n’est plus « saint » mais « humain », c’est simplement que l’être suprême a changé et que l’Homme a pris la place du Dieu. La victoire de la Moralité aboutit simplement à un changement de dynastie.

La Foi détruite, Feuerbach croit trouver un asile dans l’Amour. « La première et la suprême loi doit être l’amour de l’homme pour l’homme. Homo homini Deus est, telle est la maxime pratique la plus haute ; par elle, la face du monde est changée . Mais il n’y a à proprement parler que le dieu, Deus, de changé ; l’amour reste : vous adoriez le dieu surhumain, vous adorerez le dieu humain, l’Homo qui est Deus. L’Homme m’est — sacré, et tout ce qui est « vraiment humain » m’est — sacré ! Le mariage est par