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tournoi que d’un duel à outrance. Aussi bien découvris-je tout de suite que, aux yeux de mes compagnons comme aux yeux de nos adversaires, je me trouvais avoir pris la chose beaucoup trop au sérieux. C’est avec une véritable consternation que les deux conducteurs étrangers emportèrent leur camarade blessé ; et à peine s’étaient-ils éloignés de quelques pas, dans la direction du nord, que Sim et Candlish réveillèrent leur troupeau et se mirent en route vers le sud.

« Je crois que Faa est en mauvais état ! dit l’un d’eux.

— Oui, dit l’autre, il a l’air d’avoir une mauvaise affaire !

— Il en a bien l’air ! » reprit le premier.

Et, de nouveau, l’odieux silence retomba sur nous.

Mais bientôt Sim se retourna vers moi.

« Vous êtes bien habile au bâton ! me dit-il.

— Je crains d’avoir été trop habile ! répondis-je. Je crains que M. Faa, si c’est ainsi qu’il s’appelle, n’ait de la peine à revenir de là !

— Ma foi, ça ne m’étonnerait pas ! répondit Sim.

— Et, dans ce cas, que pensez-vous qu’il arrive ? demandai-je.

— En vérité, répliqua Sim en aspirant une forte prise, si je vous offrais une opinion, ça ne serait pas honnête de ma part. Car le fait est, monsieur Ivey, que je n’en sais rien. Nous avons bien eu, jusqu’ici, des nez cassés ; nous avons même eu une jambe cassée, ou peut-être deux ; et toutes ces choses-là, voyez-vous, nous avons l’habitude de les garder entre nous. Mais un cadavre, jamais encore nous n’en avons eu ; et je n’ai aucune idée de ce que Gillies jugera devoir faire, dans un cas comme celui-ci. Et puis, lui-même risque de se trouver dans l’embarras, si on le voit revenir seul, sans Faa. Les gens, vous savez, sont enragés avec leurs questions, et surtout quand on n’en a pas besoin !

— Ça, c’est un fait ! » approuva Candlish.

Je me sentais plein de repentir et me creusais la tête pour trouver quelque moyen de rassurer mes deux com-