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table, les en retira, repoussa son siège, et se leva à demi.

« Vous avez acheté le bateau ?

— Oui, monsieur, c’était cela que je voulais vous dire ! Mon père a d’abord exposé la chose au Seigneur ; et puis il nous l’a exposée à nous tous. Il en avait l’esprit frappé. Alors ma sœur Suzanne s’est levée, et a dit : « Je reconnais que je suis, de toute la famille, celle dont les intérêts sont le plus en jeu, puisque je possède une ferme dans mon pays. Mais je suis prête à vendre ma ferme ; et tout endroit du monde peut servir de pays à celui qui craint le Seigneur. Nous ne pouvons pas ramener à Boston des prisonniers américains, mais nous pouvons nous livrer nous-mêmes à leur place. Ce que l’on fera de nous, c’est Dieu qui le décidera ! » Voilà ce qu’elle a dit, monsieur ! Naturellement nous avons gardé le secret sur notre projet. Nous avons annoncé que la Lady Népean faisait voile pour le Canada, où toute la famille allait s’installer. Quant à ce monsieur-ci, nous l’avons repêché en vue de Falmouth ; peut-être vous l’aura-t-il déjà dit lui-même ! »

Le capitaine Seccombe me regarda et je le regardai. Ruben Colenso se tenait debout devant nous, la casquette en main.

Enfin l’Américain retrouva suffisamment ses esprits pour parler.

« Il va falloir que je retourne à Boston, pour régler cette affaire-là ! Asseyez-vous, monsieur Colenso !

— J’allais vous demander, dit simplement le prisonnier, si, avant d’être mis aux fers, je pourrais remonter sur le pont et revoir mon père ? Quelques minutes seulement, monsieur !

— Oui, monsieur, vous le pouvez ! Et, si les dames consentent à m’excuser, je serai heureux de pouvoir moi-même aller leur présenter mes respects. Car mon opinion, ajouta-t-il en se tournant vers moi, lorsque le prisonnier eut quitté la cabine, mon opinion est que cet homme nous a dit la vérité ! »

C’est ce qu’il me répéta encore, cinq minutes plus tard