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deux jours qui s’y joignait encore, était naturellement celle des trois qui me souriait le moins. Mais les autres, en vérité, n’avaient pour elles que bien peu de chances. C’était la chose la plus probable du monde, que Robbie avait été prévenu, ne fût-ce que par Chevenix, d’avoir à rompre toute relation avec moi. Et quant à la banque de George Street, hélas ! je sentais bien que j’aurais une peine extrême à en approcher.

J’appelai Rowley, et me mis en devoir de le questionner à fond sur l’apparence extérieure de l’agent de police. Mais mon précieux valet, tout en ayant le don de l’observation, manquait complètement de celui de la description. Après un long interrogatoire, où vingt fois je faillis m’emporter contre lui et le faire pleurer, je parvins seulement à savoir que l’individu de Bow Street était fort laid, qu’il portait des bas blancs, un habit « d’une couleur moyenne entre le clair et le sombre », et un gilet de moleskine. Voilà sur quel pauvre signalement j’avais à entreprendre moi-même mon enquête !

Sans compter que les manières de mon hôtesse ajoutaient encore un gros surcroît à mon anxiété. Je voyais bien qu’elle non plus n’avait guère dormi. Au déjeuner, elle ne faisait que soupirer, grommeler, secouer la tête. En un mot, elle ressemblait si fort à une bombe prête à éclater que je n’osais point lui adresser la parole. Sitôt le repas achevé, je m’enfuis de la maison, sur le bout des pieds, et descendis l’escalier en courant, avec une peur folle qu’elle ne me rappelât. De toutes façons, au reste, ce degré de tension ne pouvait pas durer.

Mon premier soin fut de me rendre dans George Street, où j’arrivai vers dix heures, au moment où un commis était en train d’ouvrir les volets de la banque. Un homme causait avec ce commis : il avait des bas blancs, un gilet de moleskine, et la plus répugnante figure de coquin que l’on pût rêver.

Je courus de là chez M. Robbie. À mon coup de sonnette, une servante vint me dire que l’avoué était