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seule possibilité ne fut omise, tout se trouva réglé avec, d’une part, la précision rigoureuse d’un sergent commandant une manœuvre et, d’autre part, le sérieux d’un enfant mis en possession d’un nouveau jouet.

« Dites-moi, ne craignez-vous pas que cela ne semble suspect, de nous voir entrer tous deux au relai de poste avec ce bagage ? demanda Rowley.

— Oui, certes, répondis-je. Mais comment l’éviter ? Eh bien ! monsieur, écoutez-moi ! Je crois qu’il sera plus naturel que vous vous rendiez seul à la poste, sans rien dans vos mains, de façon à avoir davantage l’air d’un gentleman, comprenez-vous ? Et vous pourrez dire que votre domestique et votre bagage vous attendent sur la route.

— En vérité, vous avez là une belle idée, monsieur Rewley ! m’écriai-je. Hé, malheureux ! vous seriez tout à fait sans défense ! Un gamin pourrait vous dépouiller ! Et je reviendrais pour vous trouver dans un fossé, avec la gorge coupée ! Mais il y a tout de même du bon dans votre idée, à la condition seulement que vous mettiez le bagage en lieu sûr, au lieu de le tenir en tas près de vous. Ou bien encore, au fait, nous allons nous arranger mieux que cela, et pas plus tard que tout de suite ! »

En conséquence, au lieu de suivre tout droit le chemin jusqu’à Aylesbury, nous fîmes un petit détour pour rejoindre la grand’route du Nord, de façon à pouvoir laisser Rowley quelque part où je le retrouverais dans ma chaise de poste.

Il neigeait pour de bon, la campagne était toute blanche, et nous-mêmes étions tout tapissés de blanc, lorsque les premiers rayons de l’aube nous montrèrent une auberge, au bord de la grand’route. À quelque distance de là, dans un bouquet d’arbres, je chargeai Rowley de la totalité de nos biens, à l’exception du portefeuille que je pris sous mon bras ; et je suivis de l’œil mon valet jusqu’à ce que je l’eusse vu entrer au Dragon Vert, car tel se trouvait être