Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Romaine. Ainsi, reprit-il en s’adressant à Rowley, ainsi tu es l’ami de M. Anne, toi aussi ?

— S’il vous plaît, monsieur ! répondit Rowley.

— Eh bien, voilà une amitié soudaine ! objecta le notaire. Mais j’ai l’idée qu’elle est vraie. J’ai l’idée que le garçon est honnête ; ses parents le sont tout à fait. Or donc, Georges Rowley, tu peux commencer tout de suite à gagner cette demi-guinée en disant à M. Powl que ton maître ne partira pas d’ici avant demain soir au plus tôt. Dis-lui qu’il y a cent choses qu’il doit encore faire ici, et cent autres qu’il sera forcé de faire ensuite dans mon étude, à Londres. Va lui dire tout cela, et reviens quand tu sauras du nouveau ! »

Rowley parti, le notaire prit une grosse pincée de tabac et me regarda d’un air moins sévère.

« Monsieur, me dit-il, c’est chose très heureuse pour vous que votre visage soit une si forte lettre de recommandation. Me voici, moi, un vieil homme de loi endurci, me passionnant pour les vilaines affaires où vous vous êtes fourré ; et voici ce fils de paysan qui, ayant reçu de l’argent pour vous trahir, a tout de suite la loyauté de venir vous en informer : tout cela, en vérité, simplement par la grâce de votre bonne mine ! Puissiez-vous, à l’occasion, séduire de la même façon un jury criminel

— Et ensuite le bourreau chargé de me pendre ? ajoutai-je en riant.

Absit omen ! » fit sentencieusement le notaire.

Nous en étions là de notre entretien, lorsque j’entendis un bruit qui me fit tressaillir : le bruit d’une main essayant doucement d’ouvrir la porte de ma chambre. Ce bruit n’avait été précédé d’aucun bruit de pas que nous eussions entendu. Depuis le départ de Rowley, l’aile où nous nous trouvions était absolument silencieuse. Nous avions eu tout droit de nous supposer seuls ; et nous avions maintenant tout droit de conclure que le nouveau venu, quel qu’il fût, venait pour une démarche clandestine, sinon hostile.