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des matériaux précieux à la littérature de fiction ; elles permettront notamment de prendre, pour point de départ des sujets fantastiques, tout autre chose que la magie ou les vieux pactes infernaux. Ce qu’on peut redouter, c’est que les romanciers n’abusent de ces nouvelles richesses assez dangereuses, tous n’ayant pas, pour y toucher, la main aussi légère que M. Stevenson.

Mais encore que nous estimions fort cette légèreté, il nous semble qu’elle n’a ici qu’un prix secondaire, et que la leçon de morale qui se dégage du roman établit sa réelle valeur. Chacun de nous n’a-t-il pas senti, en lui, le combat de deux natures distinctes et le pouvoir démesuré que prend la moins noble des deux, quand l’autre se prête à ses caprices ? Chacun de nous ne se rappelle-t-il pas le moment précis où il a trouvé difficile de faire rentrer dans l’ordre celui qui doit toujours rester à son rang subalterne ? L’histoire du docteur Jekyll atténuée, réduite à des proportions moins saisissantes, est celle du grand nombre. Où M. Stevenson atteint au tragique, c’est dans le passage si court et si poignant où il nous fait assister au réveil involontaire de Jekyll sous les traits de Hyde, lorsque le regard de l’honnête homme se fixe pour la première fois épouvanté sur cette main velue, sur