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désespoir ? Ce n’était plus la peur de l’échafaud ou des galères, c’était l’horreur d’être Hyde qui me torturait. Je reçus les anathèmes de Lanyon comme à travers un rêve ; comme dans un rêve encore, je rentrai chez moi, je me couchai. Je dormis, après la prostration où j’étais tombé, d’un sommeil si profond, que les cauchemars mêmes qui m’assaillaient ne purent l’interrompre. Je m’éveillai accablé encore, mais un peu mieux cependant. Toujours je haïssais et je redoutais la présence du monstre endormi au dedans de moi-même, et, certes, je n’avais pas oublié les dangers de la veille ; mais j’étais rentré chez moi, j’avais mes drogues sous la main. Ma reconnaissance envers le sort qui m’avait permis de m’échapper eut presque en ce moment les couleurs de la joie et de l’espérance.

« Je traversais tranquillement la cour après déjeuner, aspirant le froid glacial de l’air avec plaisir, quand je fus de nouveau en proie à ces sensations indescriptibles qui précédaient ma métamorphose, et je n’eus que le temps de me réfugier dans mon cabinet avant que n’éclatassent en moi les sauvages passions de Hyde. Je dus prendre en cette occasion une double dose, pour redevenir moi-même. Hélas ! six heures après, tandis que j’étais tristement assis auprès