Page:Stevenson - Les Nouvelles Mille et Une Nuits, trad. Bentzon.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand je portais la figure d’Edward Hyde, personne ne pouvait approcher de moi sans une visible défaillance physique. J’attribue cet effet à ce que tous les êtres humains, tels que nous les rencontrons, sont composés de bien et de mal, tandis que Hyde était seul au monde pétri de mal sans mélange.

« Je ne m’attardai qu’une minute devant le miroir ; il me restait à tenter la seconde expérience, l’expérience concluante, à voir si j’avais perdu mon identité sans retour, s’il me fallait fuir, avant l’aurore, une maison qui ne serait plus la mienne. Rentrant précipitamment dans mon cabinet, je préparai, j’absorbai le breuvage une fois de plus ; une fois de plus j’endurai les torture ? de la dissolution ; enfin, je revins à moi avec le caractère, la stature et le visage d’Henry Jekyll.

« Cette nuit-là, j’abordai les funestes chemins de traverse. Si j’eusse fait ma découverte dans un plus noble esprit, si j’eusse tenté cette expérience sous l’empire de religieuses aspirations, tout eût pu être différent ; de ces agonies de la naissance et de la mort serait sorti un ange plutôt qu’un démon. La drogue n’avait aucune action déterminante, elle n’était ni diabolique ni divine ; elle ébranla seulement les portes de ma