Page:Stevenson - Les Nouvelles Mille et Une Nuits, trad. Bentzon.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noncer et perdre l’homme auquel il devait la vie ? Il commença là-dessus à s’apercevoir qu’il jouait un rôle d’espion. L’attente devenait une torture cruelle ; son cœur avait des palpitations irrégulières, ses jambes fléchissaient sous lui, une sueur froide l’inondait tout entier, il s’accrocha défaillant à l’appui de la fenêtre.

Plusieurs minutes, des siècles, se passèrent. La conversation semblait languir ; tout à coup on entendit un verre se briser, en même temps qu’un autre bruit, sourd celui-là, comme si quelqu’un fût tombé le front sur la table. Puis un cri perçant déchira l’air.

« Qu’avez-vous fait ? Il est mort ! disait miss Vandeleur.

— Silence ! fit le terrible vieillard d’une voix si vibrante que Francis ne perdit pas un mot. Il se porte aussi bien que moi. Prenez-le par les talons, je vais le tenir par les épaules. »

Des sanglots lui répondirent.

« M’entendez-vous, reprit la même voix rude, ou faut-il vous faire obéir de force ? Choisissez, Mademoiselle. »

Il y eut une nouvelle pause, puis le Dictateur continua d’un ton moins violent :

« Prenez les pieds de cet homme, il faut que je le porte dans la maison. Ah ! si j’étais plus jeune,