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Francis se promit donc de faire bonne garde ; tout en paraissant absorbé par la pièce, il surveillait la loge vide du coin de l’œil.

Le second acte était commencé et déjà avancé même quand la porte s’ouvrit ; deux personnes se dissimulèrent dans le coin le plus obscur de la loge. Francis étranglait d’émotion. C’étaient Mr. Vandeleur et sa fille. Son sang bouillait dans ses veines, ses oreilles tintaient, la tête lui tournait. Il n’osait regarder, de peur d’éveiller les soupçons ; son programme, qu’il lisait et relisait dans tous les sens, passait du blanc au rouge devant lui ; quand il leva les yeux, la scène lui parut à une lieue de distance et il trouva la voix, les gestes des acteurs ridicules et impertinents. Enfin il se risqua à jeter un coup d’œil dans la direction qui l’intéressait et il sentit aussitôt que son regard avait croisé celui de la jeune fille. Un frisson secoua ses membres, il vit à la fois toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Que n’aurait-il pas donné pour entendre ce qui se passait entre les Vandeleur, père et fille ! Que n’aurait-il pas donné pour oser prendre sa lorgnette et pour pouvoir les examiner avec calme ! Sa vie sans doute se décidait dans cette loge, et lui, cloué sur ce fauteuil, ne pouvant ni intervenir ni même suivre le débat, était con-