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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

de la princesse est limitée ; et, à chaque nouvelle recrudescence d’autorité, il leur persuade par ses raisonnements spécieux de retarder l’heure de l’insurrection. C’est ainsi, pour donner un exemple de son astucieuse diplomatie, qu’il a glissé sur le décret concernant le service militaire, sous prétexte que l’exercice et l’habitude des armes étaient en eux-mêmes une préparation nécessaire à la révolte. Et l’autre jour, quand la rumeur commença à se répandre que l’on allait forcer à la guerre (et fort contre son gré) un voisin, le grand-duc de Gérolstein, rumeur qui certainement, à mon avis, devait donner le signal d’un soulèvement immédiat, je fus tout abasourdi d’apprendre que même ceci n’était encore qu’une des choses préparées à l’avance et qu’il fallait accepter. J’allai de l’un à l’autre dans le camp libéral : tous étaient endoctrinés de même, tous exercés, sermonnés, tous munis d’arguments creux. « Il sera bon pour les gars de voir la guerre de près, disaient-ils, et d’ailleurs nous ferons bien de conquérir le Gérolstein, de cette façon nous pourrons étendre sur nos voisins les bienfaits de la liberté, le jour où nous la gagnerons pour nous-mêmes. Et puis notre république n’en sera que plus forte à la résistance, si jamais les souverains d’Europe songeaient à se coaliser pour la renverser. »

Je ne sais vraiment ce que je devrais admirer le plus, de la naïveté du populaire ou l’audace de l’aventurier. Voilà néanmoins les subtilités, voilà les chicanes au moyen desquelles il aveugle et mène ce peuple. Combien de temps une pratique aussi tortueuse pourra être poursuivie, il m’est