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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Mais avec toi, c’était différent. Tu étais bien toi-même, sans accommodement : c’était gentil à voir. Je l’ai toujours dit : il n’est personne au monde qui ait si peu d’affectation qu’Othon.

— Ni affectation ni effort ! s’écria Othon. Un chien mort flottant dans un canal a plus d’énergie que moi. La question, Gotthold, la question à laquelle il me faut faire face, la voici : ne me serait-il pas possible, à force de travail et de sacrifices, ne me serait-il pas possible de devenir un souverain passable ?

— Jamais ! répliqua Gotthold. Chasse vite cette idée-là. Du reste, mon fils, tu n’essaierais jamais.

— Gotthold, ne tente pas de me donner le change ! fit Othon. Si je suis foncièrement incapable de régner, que fais-je donc ici, avec cet argent, ce palais, ces gardes ? Et alors, moi, voleur, dois-je faire exécuter la loi par les autres ?

— J’admets la difficulté, répondit Gotthold.

— Eh bien, donc, ne puis-je essayer ? continua Othon. Ne suis-je même pas tenu d’essayer ? Et avec les conseils et l’aide d’un homme tel que toi…

— Moi ! s’écria le bibliothécaire. Ah ! pour ça, Dieu m’en préserve !

Othon n’était guère d’humeur souriante, mais il ne put réprimer un sourire. — Cependant, fit-il, je me suis laissé dire, la nuit dernière, qu’avec un homme tel que moi pour représenter, et un homme comme toi pour faire mouvoir les ressorts, on pourrait composer un gouvernement fort possible.