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LE ROMAN DU PRINCE OTHON


La lecture n’était pas un divertissement fort goûté à la cour de Grunewald, et cette grande et belle galerie ensoleillée, remplie de livres et de statues, était devenue en fait le cabinet particulier de Gotthold.

Ce mercredi matin, cependant, il venait à peine de se mettre à son manuscrit, quand la porte s’ouvrit et le prince entra dans l’appartement. Pendant qu’il s’approchait, recevant tour à tour de chaque fenêtre un chaud rayon de soleil, le docteur Gotthold l’observait curieusement. Othon avait l’air si gai, marchait si légèrement, était si correctement vêtu, si bien brossé, frisé, tiré à quatre épingles, d’une élégance si souveraine, qu’un léger ressentiment s’en éleva contre lui dans le cœur de son cousin l’ermite,

— Bonjour, Gotthold, dit Othon, se laissant tomber sur une chaise.

— Bonjour, Othon, répondit le bibliothécaire. Te voilà bien matinal. Est-ce par accident, ou bien commençons-nous à nous réformer ?

— Il serait temps, j’imagine, répliqua le prince.

— Moi, je n’ai pas d’imagination, dit le docteur. Je suis trop sceptique pour être conseiller de morale ; et quant aux bonnes résolutions, j’y croyais quand j’étais plus jeune. Elles sont les couleurs de l’arc-en-ciel de l’espoir.

— Quand on y songe, fit Othon, je ne suis pas un souverain bien populaire. Et le regard qui accompagna cette phrase la tourna en question.

— Populaire ? Dame, là-dessus il faudrait distinguer, répondit Gotthold, s’affaissant dans son fauteuil et joignant les mains par le bout des