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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

— Laissez donc ! dit le prince. Vous êtes républicain, qu’avez-vous à faire d’altesses ? Mais poursuivons notre chemin. Puisque vous le désirez si fort, je n’aurai pas le cœur de vous priver de ma compagnie. Et, aussi bien, j’ai une question à vous adresser : pourquoi, puisque vous êtes un corps si nombreux, car vous êtes fort nombreux, quinze mille hommes, m’a-t-on dit, et cela est sans doute au-dessous de la vérité, ai-je raison ?

L’homme fit entendre un son inarticulé.

— Eh bien, donc, reprit Othon, puisque vous formez un parti si considérable, pourquoi ne pas vous présenter devant moi avec vos requêtes ?… que dis-je ! avec vos ordres ? Ai-je la réputation d’être si passionnément attaché à mon trône ? J’ai peine à le croire. Voyons, montrez-moi votre majorité, et sur l’instant j’abdique. Dites cela à vos amis. Assurez-les de ma part de ma docilité. Faites-leur comprendre que, quelle que puisse être leur idée de mes imperfections, il leur serait impossible de me tenir pour plus impropre à gouverner que je ne le fais moi-même. Je suis un des plus mauvais princes de l’Europe : pourront-ils enchérir là-dessus ?

— Il est bien loin de ma pensée… commença l’homme.

— Vous verrez que vous finirez par vous poser en défenseur de mon gouvernement ! s’écria Othon. Vraiment, si j’étais vous, je quitterais les conjurations. Vous êtes aussi mal bâti pour faire un conjuré que moi pour faire un roi.

— Il y a une chose, au moins, que je dirai tout haut. Ce n’est pas tant de vous que nous nous plaignons, que de votre dame.