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PRINCE ERRANT


— Quand vous aurez mieux approfondi les doctrines du libéralisme, dit le prince, peut-être changerez-vous de ton. Vos poids et mesures, mon jeune ami, ne sont pas de bon aloi. Vous avez une balance pour la femme, une autre pour l’homme, une pour les princes, une autre pour les garçons-fermiers. Pour le prince qui néglige son épouse, vous vous montrez fort sévère. Mais l’amoureux qui insulte sa fiancée… qu’en faites-vous ? Vous vous servez du mot amour ; j’imagine que cette demoiselle pourrait avec raison demander qu’on la délivre d’un amour tel. Car si moi, tout étranger que je suis, je m’étais permis la dixième partie de cette grossièreté, vous m’auriez, et en toute justice, cassé la tête. Et en la protégeant contre pareille insolence vous n’eussiez fait que ce qu’il sied à un amant. Protégez-la donc d’abord contre vous-même !

— Bien dit, fit le vieillard, qui les mains jointes derrière lui, et courbant sa grande taille, assistait à la scène. C’est vrai comme l’Écriture.

Fritz fut ébranlé, non seulement par l’air d’imperturbable supériorité du prince, mais aussi par une lueur de conscience qui lui montrait son tort. Du reste l’appel à ses idées libérales l’avait troublé.

— C’est bon, dit-il, si j’ai été malhonnête je veux bien l’admettre. Je ne songeais pas à mal… et d’ailleurs j’étais dans mon droit (ce qui ne veut pas dire que je ne sois pas aussi au-dessus de toutes ces vieilles idées), mais si j’ai parlé vertement, eh bien, je lui demande pardon !

— Alors n’en parlons plus, dit Ottilie.

— Mais avec tout ça, reprit Fritz, je n’ai pas