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PRINCE ERRANT

bien ceci, s’il vous plaît : un de ces beaux jours vous verrez, en Grunewald, qu’on vous prendra ce fainéant de prince à cheveux jaunes et sa Messaline blafarde de princesse, et qu’on vous les promènera à reculons jusqu’à la frontière ; alors on proclamera le baron Gondremark premier président. J’ai entendu cela dans un discours. C’était à une assemblée à Brandenau ; les délégués de Mittwalden répondaient de quinze mille hommes. Quinze mille enrégimentés,… et chacun avec sa médaille de ralliement autour du cou. Voilà du Gondremark.

— Eh oui ! Monsieur, reprit le vieux, vous voyez où tout cela mène : aujourd’hui folles paroles ; demain, peut-être, entreprises plus folles encore. Une chose, au moins, est certaine, c’est que ce Gondremark a un pied dans les corridors du palais et l’autre dans les loges maçonniques. Il se donne pour ce qu’il est la mode maintenant d’appeler un patriote ; un patriote, Monsieur… ce Prussien !

— Qu’entendez-vous par : il se donne ? se récria Fritz. C’est un patriote ! Aussitôt la République proclamée, il va abjurer son titre. Je l’ai entendu dire, dans un discours.

— Eh ! Il lâchera le titre de baron pour celui de président, répliqua Killian. Roi solive, roi cigogne. Du reste, vous qui vivrez après moi, vous en verrez les fruits.

Ici la jeune fille, tirant le vieillard par le pan de son habit, lui dit à l’oreille : — Mon père, voyez donc… pour sûr le gentilhomme se sent mal !