Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
LE ROMAN DU PRINCE OTHON


— Il a manqué à sa parole : donc il est parjure. Il reçoit le salaire et néglige le travail : ce qui, en un mot, s’appelle voler. Cocu, il l’est déjà, et de naissance c’est un sot ! Peut-on dire plus ? Et là-dessus Fritz claqua ses doigts d’un air de mépris.

— Maintenant, sans doute, reprit le fermier, vous commencez à comprendre pourquoi nous avons si mince opinion du prince Othon. On peut être juste et homme de bien dans la vie privée ; on peut, d’autre part, Monsieur, faire preuve de vertus civiques. Mais quand l’homme n’est bon à rien, ni d’une façon ni de l’autre, alors que le Seigneur l’éclaire !… voilà tout. Ce Gondremark même, que Fritz admire si fort…

— Pour cela, oui ! interrompit ce dernier. Gondremark, voilà un homme selon mon cœur. Que n’avons-nous son pendant en Gérolstein !

Le vieillard secoua la tête : — Cet homme, dit-il, est mauvais. C’est mal commencer la besogne que de manquer aux commandements de Dieu. Ceci pourtant je vous le concède : au moins c’est un homme qui travaille pour ce qu’il reçoit.

— Et moi je vous dis qu’en lui est l’espoir de Grunewald, s’écria Fritz. Il ne répond peut-être pas à toutes vos vieilles idées démodées, tous vos principes à l’ancienne ; c’est entièrement un esprit moderne ; il suit les lumières et les progrès de l’âge. Il fait parfois des fautes : qui n’en fait pas ? Mais ce qui lui tient du plus près au cœur, c’est le bien du peuple. Et retenez bien ceci, vous, Monsieur, qui êtes un libéral et par conséquent ennemi de tous ces gouvernements-là ; retenez