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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

de l’autre Othon et la comtesse, avancèrent en hâtant le pas. La rencontre se fit à l’angle rentrant où un mince ruisseau faisait cascade le long d’une roche et s’éparpillait en pluie parmi les buissons. Le baronnet salua le prince avec la plus scrupuleuse formalité. Devant la comtesse, au contraire, il s’inclina avec un air d’étonnement moqueur.

— Est-il possible, Madame, demanda-t-il, que vous n’ayez pas appris les nouvelles ?

— Quelles nouvelles ? fit madame de Rosen.

— Nouvelles de première importance, répliqua sir John. Révolution dans l’État, la République proclamée, le palais brûlé de fond en comble, la princesse en fuite, Gondremark blessé.

Elle poussa un cri. — Henri… blessé !

— Blessé et souffrant le martyre, dit Sir John. Ses gémissements…

Des lèvres de la dame jaillit un jurement si énorme, qu’il eût fait, à des heures moins agitées, tressauter ses auditeurs. Elle courut à son cheval, grimpa en selle, et, sans même prendre le temps d’assurer son assiette, se mit à descendre la route au grand galop. Après un instant de surprise, le palefrenier se lança à sa poursuite. Leur impétueux passage effraya les chevaux de la berline qui faillirent se précipiter au bas de la roche. Elle continuait toujours sa course furieuse, dont les pierres renvoyaient l’écho, toujours suivie du domestique qui en vain cravachait sa monture pour la rejoindre. Au quatrième tournant une femme qui montait péniblement la route se rejeta en arrière en poussant un cri, et n’échappa à la